Un sondage Ifop de 2019 fait les constats suivants :

  • deux tiers « de LGBT ont déjà évité de tenir la main (62%) ou d’embrasser (63%) un partenaire de même sexe en public. »
  • 16% « des homosexuel.le.s aimeraient quitter leur ville de résidence en raison du climat d’hostilité à l’égard de leur orientation sexuelle. »
  • un tiers « ont déjà évité de se rendre dans certaines zones (37 %) ou de rentrer seuls à leur domicile (33 %). »

Toujours selon cette même étude, les agressions (physiques, verbales) interviennent dans une variété de contextes et de lieux (au travail, chez le médecin, à la salle de sport, dans la rue, dans un café…). Les LGBTIAphobies* se retrouvent donc partout en France, dans les villes comme dans les campagnes. Ceci dit, les questions de visibilité ne sont pas les mêmes partout et se peuvent se vivre différemment, selon la ville ou la campagne dans laquelle on vit.

Que veut dire éco-queer ?

Le mouvement éco-queer est une remise en question du système hétéro-normatif* et capitaliste. Ces réflexions croisent celles issues de l’écoféminisme, dont le point de départ est que la destruction de la nature et l’oppression sexiste sont liées. Aux enjeux écologiques actuels que l’on connait, les mouvements éco-queer et écoféministes apportent les réflexions féministes et LGBTIA qui leur sont propres. Depuis quelques années, les questions écologistes et queer s’explorent dans les milieux urbains, (comme durant le Festival Ecoqueer qui a eu lieu à Paris en octobre 2019). Mais les communautés LGBTIA investissent aussi de plus en plus les campagnes et prônent un retour à la nature comme mode de vie tout en affirmant la visibilité de leurs identités en milieu rural.

Karin Erni et ses biquettes à Langonnet, dans le centre-Bretagne.
Karin Erni et ses biquettes à Langonnet, dans le centre-Bretagne. © Karin Erni

Depuis toujours, j’avais des envies d’ailleurs. Et c’est la maison qui m’a choisie.

Karin Erni est originaire de Suisse. La quinquagénaire explique être arrivée en Bretagne par hasard, après avoir voyagé en Nouvelle-Zélande, en Galice ou encore en Angleterre. « En arrivant ici, j’étais surprise parce que tout le monde dit qu’à la campagne les gens sont fermés d’esprit. Mais ici je n’ai jamais eu de problème. Les gens se laissent vivre. » Cette « écolo dans l’âme » est propriétaire de « Au Septième », une maison d’hôte écologique et LGBTI-friendly située à Langonnet, dans le centre-Bretagne morbihannais. Pendant sept ans, elle a retapé seule cette ancienne ferme en ruines. « J’avais pas l’argent pour payer quelqu’un donc j’ai tout appris sur le tas. Même si c’est beaucoup de travail, j’ai appris énormément et mon rapport au lieu est forcément différent, unique, puisque j’en connais chaque détail. » Elle ouvre la première chambre en avril 2014, et la seconde trois ans plus tard. « Deux chambres, c’est l’idéal. Déjà parce que il n’y a jamais foule, même en plein été. » Elle reste d’ailleurs ouverte aux couples hétérosexuels. « Et puis c’est plus authentique. Ça me permet de nouer des liens avec les personnes. » Karin Erni explique vivre simplement. « J’ai abandonné l’idée d’une certaine sécurité. » Un choix de vie qu’elle assume pleinement : « J’ai jamais travaillé autant de toute ma vie ! Mais je suis ma propre cheffe, et ça change tout ! » 

En général, les personnes qui logent ici ne viennent jamais par hasard.

Le gite « Au Septième ».
Le gite « Au Septième ». © Karin Erni

Plus de visibilité lesbienne à la campagne

« Si je devais choisir un hébergement de vacances, je choisirais un lieu ouvertement LGBTIA-friendly, parce que je sais que je pourrais m’y sentir bien et être moi-même. », confie Karin Erni. « Je pense aussi que c’est important d’avoir une visibilité LGBT, et particulièrement lesbienne, en pleine campagne. Il y a très peu de lieux comme ça, surtout dès qu’on s’éloigne de la côte, plus touristique. » Justement, la clientèle de « Au Septième » y vient pour y trouver « quelque chose de différent qu’à la ville. » C’est d’ailleurs ce qu’exprime Emmanuelle qui a séjourné dans le gîte en juin 2019. « Je cherchais un gîte LGBT et écolo. Et j’ai pas été déçue ! J’ai l’intention d’y retourner cette année. » Originaire d’un petit village près de Dinan, elle aussi a acheté une ferme dans l’intention de la rénover. Elle explique ne pas avoir vocation à créer quelque chose d’aussi « abouti que chez Karin », mais l’envie du projet est là. « En plus j’ai la chance de vivre dans une campagne hyper ouverte, avec de supers voisins ! »

Je pense que c’est important de créer des lieux communautaires, culturels et écolo pour se ressourcer, le tout dans une éthique écoqueer.

La maison d’hôte est entièrement rénovée en matériaux écologiques et locaux, des toilettes sèches à l’électricité renouvelable, en passant par le potager biologique. Karin Erni est aussi électrosensible : « je demande à mes hôtes de couper les téléphones la nuit, et il n’y a pas d’accès à la wifi. C’est une expérience que beaucoup trouvent régénérante. » L’absence de pollutions (visuelle, sonore, électronique) y participe.