Avertissement : Cet article aborde la question du suicide. Si vous ou l’un de vos proches a des pensées suicidaires, vous pouvez contacter le 3114 (numéro national, gratuit et confidentiel. Fonctionne 24h/24, 7j/7.)

Le projet de loi sur la fin de vie fut d’abord annoncé par le gouvernement en avril 2024. Les différentes versions et modifications d’amendements se sont succédées avant que les élections législatives anticipées ne viennent tout chambouler. Dès la rentrée scolaire, le premier ministre Michel Barnier a fait savoir qu’il tenait à remettre ce projet de loi sur la table en 2025, et que le travail parlementaire reprendra sur la base du texte amendé et voté avant la dissolution du 9 juin. Par ailleurs, le député Olivier Falorni (Modem), réélu en juillet, a déposé une nouvelle copie du texte, identique à celui qui avait été amendé et voté par les député-es de la commission spéciale. 

Que prévoyait ce texte ?

Pour résumer, le texte contient deux volets, l’un axé sur les soins palliatifs, l’autre sur l’aide à mourir. Dans l’article 1 du projet de loi, les député-es ont insisté sur l’accès aux soins palliatifs sur l’ensemble du territoire : « offrir une prise en charge globale de la personne malade, accessible sur l’ensemble du territoire national, afin de préserver sa dignité, sa qualité de vie et son bien-être. » En France, l’accès aux soins palliatifs est déjà régi par la loi du 9 juin 1999, qui garantit que : « toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement. » Le nouveau texte de loi doit permettre l’application d’une « stratégie décennale » dès 2024, avec l’objectif de rendre les unités de soins palliatifs accessibles sur l’ensemble du territoire dès 2025, et de créer une unité de soins palliatifs pédiatriques par région d’ici à 2034. Dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025, dont l’examen à l’Assemblée nationale a débuté le lundi 28 octobre, une enveloppe de 100 millions d’euros par an doit permettre la mise en œuvre de ce vaste plan qui vise à renforcer l’offre palliative. En effet, en 2023, seulement 50% des patient-es susceptibles de bénéficier d’une prise en charge palliative y a eu accès selon le rapport 2023 de la Cour des comptes. Cela s’explique en partie par le manque de lits et de moyens en soins palliatifs. En 2023, 21 départements n’étaient pas dotés d’Unités de Soins Palliatifs (USP), parmi lesquels on compte les Ardennes, le Gers, le Jura, la Haute-Marne, la Mayenne ou encore la Haute-Saône. Aussi, le rapport de la Cour des comptes souligne que ce sont 4 000 lits spécialisés en soins palliatifs qui doivent être créés pour faire face au décalage entre les besoins estimés et l’offre disponible, qui en compte aujourd’hui 7500. Les 100 millions d’euros annuels – soit 1 milliard pour les dix prochaines années – prévus dans le PLFSS doivent pallier ces manques. Cependant, un autre problème subsiste, et auquel le gouvernement ne semble pas apporter de solution : celui du nombre important de postes non pourvus dans les structures déjà existantes, soit la pénurie de soignant-es. Or, quel intérêt à promettre des lits supplémentaires s’il n’y a pas le personnel suffisant pour en assurer la bonne intendance ? Cet article du Monde prend l’exemple de la région Provence-Alpes-Côtes-d’Azur, dans laquelle la grande majorité des unités de soins palliatifs tournent avec moins de deux médecins pour dix à douze lits ! Et que dire de la destruction générale de l’hôpital public, orchestrée depuis plus de dix ans par les gouvernements successifs, et face à laquelle de plus en plus de personnes décèdent aux urgences sur des brancards ou encore, pour contrer une épidémie de grippe, contraint près d’une centaine d’hôpitaux du pays à enclencher le plan blanc, soit un dispositif destiné à faire face à une situation sanitaire exceptionnelle. Le second volet du projet de loi portait, lui, sur la fin de vie, soit l’autorisation de recourir à une substance létale pour qu’une personne se l’administre ou se la fasse administrer. D’abord conditionné à un « pronostic vital engagé à court ou moyen terme », ce critère a été remplacé par la notion d’affection « en phase avancée ou terminale ». Pour autant, cette deuxième formulation peut sembler tout aussi floue et vague que la première. Par exemple, une personne atteinte d’un cancer en phase avancée n’a pas, pour autant, son pronostic vital engagé, et peut vivre encore longtemps.

En 2005, création de la loi Leonetti… 

Selon le gouvernement, le projet de loi sur la fin de vie a pour objectif de venir en complément des outils législatifs déjà existants, comme la loi Leonetti. Cette loi introduit, dans le droit français, l’interdiction de l’obstination déraisonnable. Ainsi, depuis 2005, tout-e patient-e est en droit de considérer qu’un traitement constitue pour elle ou lui une obstination déraisonnable et peut alors le refuser, même si ce refus peut avoir des conséquences vitales. La ou le patient-e est alors en droit de bénéficier d’un accompagnement palliatif. Surtout, la loi impose cette interdiction d’obstination déraisonnable aux équipes soignantes. Celles-ci peuvent donc, avec l’accord d’une procédure collégiale, choisir d’arrêter les traitements chez un-e patient-e qui n’est plus en état d’exprimer sa volonté, et lorsqu’il est estimé que leur poursuite n’a plus de sens sur le plan médical. La loi de 2005 a aussi rendu possible la rédaction de directives anticipées, qui permettent aux patient-es d’exprimer leurs volontés en matière de décision relative à la fin de vie pour le cas où iels ne pourraient plus le faire elleux-mêmes. Mais en 2005, ces directives anticipées ne sont alors valables que 3 ans et ont seulement une valeur d’information pour le médecin, sans s’imposer à lui.

… suivie de la loi Claeys-Leonetti en 2016.

C’est en 2016 que les directives anticipées sont revalorisées : elles n’ont plus de condition de durée et deviennent contraignantes pour le médecin, sauf cas exceptionnel. Le rôle de la personne de confiance est lui aussi renforcé. La loi Claeys-Leonetti ouvre également la possibilité pour le ou la patient-e de demander l’accès à une sédation profonde et continue jusqu’au décès. L’accès à ce droit est encadré par des conditions strictes : le-a patient-e doit souffrir de façon insupportable et son décès doit être reconnu comme inévitable et imminent. L’accès à la sédation profonde et continue jusqu’au décès est lui aussi conditionné par une discussion en procédure collégiale pour vérifier que la situation rentre bien dans le cadre des conditions prévues par la loi.

Ainsi, des militant-es anti-validistes s’interrogent sur la pertinence du projet de loi sur la fin de vie, alors même que beaucoup de personnes peinent encore à appliquer leurs droits, faute de connaissance des lois existantes, comme l’a démontré cette étude réalisée par le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie. On y apprend qu’en 2019, seulement 13% des français-es de plus de 50 ans et 21% des personnes de plus de 75 ans ont eu recours aux directives anticipées. Par ailleurs, l’étude montre aussi que 41% de la population française n’a pas connaissance de l’existence d’une loi sur la fin de vie, et que cette ignorance existe surtout chez les franges les plus précaires et les moins diplômées de la population. Enfin, la mise à disposition d’informations concernant les directives anticipées dans les EHPAD est très variable d’un établissement à un autre.

Manifestation à Londres en novembre 2024, contre le projet de loi britannique sur l’aide à mourir. Parmi les manifestant-es, la militante anti-validiste Liz Carr et les militant-es du mouvement « Not Dead Yet ». © Sean Aidan Calderbank / Shutterstock

Le « droit de choisir » et les « libertés individuelles » face aux réalités matérielles qui découlent du système capitaliste et néo-libéral

Nous avons déjà eu l’occasion d’en parler dans d’autres reportages consacrés à l’anti-validisme : la France assume une politique de placements des personnes handicapées dans des institutions, et cela, malgré les préconisations de l’ONU et les revendications des militant-es anti-validistes, qui dénoncent depuis des années la ségrégation et les violences engendrées par cette politique. En 2021, lors de l’audition de la France par le Comité des droits des personnes handicapées, l’ONU avait taclé la « vision médicale et paternaliste du handicap » contenue dans la loi française, et appelé le gouvernement à « mettre fin au placement en institution des enfants et des adultes handicapés, y compris dans les maisons d’habitation de petite taille. » La violence institutionnelle qui s’exerce sur les personnes handicapées passe aussi par le manque d’accessibilité des lieux publics, des logements et des transports. La loi du 11 février 2005 avait posé le principe de l’obligation de mise en accessibilité des bâtiments et des transports à l’horizon 2015, qui est loin d’être effective, près de 20 ans plus tard. Rappelons aussi que le montant de l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) est de 1 016,05 € depuis avril 2024, soit bien en-dessous du seuil de pauvreté.

Vous voyez quelqu’un sur un pont qui s’apprête à sauter, est-ce que vous le soutenez au nom de la liberté de choix ? Non, il est probable que vous interveniez. Mais si c’était une personne handicapée, votre réponse serait-elle la même ? Ou verriez-vous alors cet acte comme quelque chose de compréhensible ?

Liz Carr, dans une interview à The Guardian.

Enfin, durant la crise du covid-19, les militant-es anti-validistes et les médecins furent nombreux-ses à alerter sur les pratiques de tri des patients dans les hôpitaux pour contrer la saturation des services. Pour y faire face, les autorités sanitaires ont dû décider de déprogrammer des consultations et des opérations jugées non urgentes. Et ces déprogrammations ne sont pas sans conséquences sur la santé des patient-es concerné-es, encore à l’heure actuelle (retards de diagnostic, retards de traitement de cancers, reports d’opérations de chirurgie orthopédique…). Dans son documentaire « Better off dead », l’actrice et militante anti-validiste britannique Liz Carr affirme : « La réaction du Royaume-Uni à la crise du COVID, où les gens étaient morbidement regroupés en deux catégories – « ceux qui valent la peine d’être sauvés » ou « ceux qui ont des problèmes de santé sous-jacents », a déjà consolidé la position des personnes handicapées comme étant jetables dans ce pays. Si le Royaume-Uni légalise le suicide assisté, il semble que cela pourrait aider à faire de cette jetabilité, une réalité. Et c’est une perspective assez effrayante pour les millions de personnes handicapées dans ce pays dont l’avenir vaut vraiment la peine de se battre. »

Et ailleurs ?

Qu’en est-il dans les pays occidentaux où l’euthanasie est légalisée depuis plusieurs années ? Au Québec, où l’aide médicale à mourir est légalisée depuis 10 ans, plus de 5000 personnes y ont eu recours en 2023, soit un chiffre qui représente 7,4% des décès dans la province canadienne. C’est beaucoup plus que ce qui avait été anticipé au moment de l’adoption de la loi québécoise en 2014, où il était alors estimé que l’aide médicale à mourir ne représenterait pas plus de 2% des décès. La loi canadienne prévoit que, pour être admissible à l’aide médicale à mourir, il faut être une personne majeure, être en capacité de prendre des mesures de soins pour soi-même, et avoir un « problème de santé grave et irrémédiable ». Cette formulation inclus le fait de souffrir d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap grave, d’être dans un état de déclin avancé qui ne peut pas être inversé, ou encore de ressentir des souffrances physiques ou mentales insupportables. Dans une interview accordée à France Culture en octobre 2024, la professeure à l’Université du Québec à Montréal, Corinne Gendron, déclarait : « On commence à s’inquiéter que l’aide médicale à mourir ne soit pas assez envisagée comme un dernier recours, une fois que toutes les options pour alléger les souffrances ont été épuisées, qu’il s’agisse de soins palliatifs ou d’accompagnement psychologique. (…) Au vu de l’augmentation constante du recours à l’aide médicale à mourir, on peut se demander si ce que certains appellent l’« ultime soin » n’est pas en voie d’être banalisé au Québec, et si les balises inscrites dans la loi sont réellement suffisantes pour éviter les dérives. »

En janvier dernier, un patient tétraplégique abandonné sur une civière d’urgence non adaptée a développé des escarres si graves qu’il a préféré avoir recours à l’aide médicale à mourir plutôt que de subir les complications de ses blessures. Il est inquiétant de penser que l’aide médicale à mourir puisse devenir une option devant la difficulté à recevoir des soins dans un système de santé surchargé.

Corinne Gendron, professeure à l’Université du Québec à Montréal, au micro de France Culture le 02/10/2024 sur les 10 ans de la loi québécoise sur l’euthanasie.

Dans un système de santé qui est en crise à cause de mesures politiques austères en matière de santé publique, le fait que des politicien-nes de droite poussent à adopter une loi sur la fin de vie ne relève pas du hasard. C’est quelque chose qui devrait tout-es nous alerter.

Mathilde et Gwenn sont toutes deux militantes au Collectif Lutte et Handicaps pour l’Égalité et l’Émancipation (CLHEE). Durant l’examen du projet de loi sur la fin de vie, qui fut interrompu par la dissolution de l’Assemblée nationale, les militantes racontent avoir eu beaucoup de travail : « Il a fallu faire comprendre à une grande partie de la gauche, notamment politique, que les personnes qui militent au CLHEE ne sont pas des catho tradi, et ce fut une véritable épreuve ! », partage Gwenn. En cause, selon elle : « La vision binaire qui consiste à penser que si tu es contre l’euthanasie, tu es de droite, alors que si tu es de gauche, tu es forcément pour, est encore ancrée chez beaucoup de personnes ». De nombreux collectifs, en plus du CLHEE, se sont fait entendre sur le sujet, et ont ainsi permis une complexification du débat à gauche. Gwenn cite par exemple les articles publiés par le collectif Hippocrate sur le blog de Médiapart, mais aussi le travail de collectifs tels que Handi social ou les Dévalideuses. Mathilde renchérit : « Les gens de gauche se sont réveillés en écoutant les différents débats à l’Assemblée nationale, une fois que certains points qui fâchent ont été soulevés. Quid des personnes avec des troubles psy par exemple ? Ou encore des mineurs ? » Gwenn ajoute : « En théorie, on a tous le droit à l’autonomie, mais en pratique, c’est encore autre chose ! Les services en hôpitaux sont sous l’eau, les MDPH traitent les dossiers au compte-goutte… Ce n’est pas parce que tu as besoin d’une aide qu’elle te sera accordée. Nous, les personnes handies, devons mener une bataille incessante pour faire appliquer nos droits ! C’est bien beau d’avoir un amendement qui dit que les personnes doivent être au courant de leurs droits. Mais en pratique, comment l’applique-t-on ? »

Nous, nous avons des préoccupations quotidiennes comme : avoir un toit, avoir accès à des aliments, pouvoir sortir de chez nous, socialiser… Et on fait face à des gens qui ne sont pas du tout dans notre réalité. On entend des personnalités publiques et politiques parler de leur peur de devenir dépendantes, malades, handicapées. Mais on ne fait pas de la politique avec de la peur ! On sait à quoi ça sert, la peur, en politique. Ça sert à faire avaler des couleuvres.

La question de la loi et de son application est un enjeu récurrent qui recouvre de nombreuses problématiques, comme celle liée à l’accès à l’avortement. Lors des débats pour l’inscription de l’IVG dans la Constitution au début de l’année 2024, de nombreuses féministes avaient dénoncé un symbole vide, montrant du doigt les déserts médicaux qui forcent de plus en plus de femmes à se rendre dans un autre département pour pouvoir avorter, la clause de conscience des médecins, ou encore la fermeture progressive des centres IVG (130 en quinze ans, selon le Planning familial). L’application de la loi en matière de vie autonome se confronte aux mêmes problématiques. Les militantes du CLHEE précisent : « Juste avant le projet de loi sur l’aide médicale à mourir, le ministère des Solidarités nous a sorti toute une campagne gouvernementale sur les aidants et les proches qui accompagnent un membre de leur famille handicapé ou malade. On les flatte, on leur promet monts et merveilles. Mais les aidants n’auront pas plus de moyens qu’avant ! Par contre, on va nous donner l’accès à l’AAM (aide médicale à mourir, NDLR). » Autre argumentaire déployé dans les débats parlementaires, et qui a fait bondir les militant-es anti-validistes, celui de l’ancienne députée Caroline Fiat (qui a, depuis, perdu aux élections législatives de juillet 2024). « Caroline Fiat a dit que c’était une loi importante pour soulager les soignants ! À aucun moment une loi sur l’aide médicale à mourir ne doit être légiférée parce que ce serait plus confortable pour les soignants ! Ce sont des propos très graves, mais qu’elle n’a eu aucun problème à tenir à l’Assemblée ! »

Illustration du collectif canadien Toujours Vivants.

« Laisser aux gens la possibilité de sortir du pire moment de leur vie avant de leur proposer l’aide médicale à mourir »

Dans une société où il est de plus en plus difficile de trouver des médecins, généralistes comme spécialistes, même les parcours médicaux les plus simples sont souvent semés d’embûches, comme le confirme Mathilde : « Dans un parcours médical, le premier obstacle, c’est la secrétaire qui te dit que le médecin ne prend pas de nouveau patient. Le temps d’attente pour avoir accès aux soins palliatifs est exponentiel. Et certains ont le culot d’affirmer que l’AAM serait pour nous venir en aide, alors même que nous devons attendre des années avant d’avoir accès à des centres anti-douleur. Nous avons donc le choix entre patienter deux ans avec une douleur insupportable au quotidien ou choisir d’avoir recours à l’AAM. » Ainsi, mener une politique d’austérité en multipliant les suppressions de lits en hôpitaux ou en baissant les remboursements de l’Assurance maladie, tout en poussant, en parallèle, à l’adoption d’une loi sur l’euthanasie, constitue un indicateur alarmant pour ces militantes, qui tirent la sonnette d’alarme : « Beaucoup de personnes sont surprises par leur capacité à supporter ce qu’elles pensaient être insupportables. Chez les personnes atteintes d’un cancer par exemple, il y a toujours un moment où le patient souhaite mourir, notamment s’il est en pleine crise, et il peut tout à fait maintenir cette opinion après la crise, y compris quand ça va mieux. Mais du coup, ça pose la question de la rapidité à laquelle l’AAM sera disponible ? À quel point on va laisser aux gens la possibilité de sortir du pire moment de leur vie ? Et quels moyens on va leur donner pour cela ? » Mathilde et Gwenn sont unanimes, la prise en compte du rôle des soins palliatifs dans leur ensemble est indispensable : « Le soin palliatif, ce n’est pas qu’une question de fin de vie. À partir du moment où l’on t’aide à mieux vivre malgré une maladie incurable, c’est du palliatif. Les soins s’occupent des symptômes. »

À tout moment, un patient doit être informé non pas de l’option que le médecin préfère, mais des choix qu’il est en droit de faire, en tant que patient. Le cœur du soin palliatif, c’est justement de pouvoir envisager le “vivre avec”. 

Des militant-es anti-validistes britanniques, de l’organisation Not Dead Yet, qui s’oppose à la légalisation de l’euthanasie au Royaume-Uni. © Not Dead Yet

Faire appliquer les lois existantes

Les militantes déplorent que cette absence de mise en pratique du droit dans la société a pour conséquence une méconnaissance des droits existants par la population. Gwenn et Mathilde prennent appui sur un certain nombre de lois, comme la loi Kouchner qui a officialisé le fait que les soins palliatifs constituent un droit pour tout-es. « S’il y a bien un point commun à tous les Présidents que nous avons eu ces dernières décennies, c’est bien leurs politiques de destruction de l’hôpital public. Là encore, la loi de Kouchner n’est pas suffisante si nous n’avons pas les moyens de la faire appliquer ! », tempête Gwenn. Autre loi dont la mise en application fait défaut, celle de 2005, qui pose l’obligation de rendre accessible les bâtiments d’habitation et les lieux recevant du public à tout-es, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap. En 2015, soit dix ans plus tard, du fait de l’important retard de cette mise en conformité, l’échéance est repoussée de trois à neuf ans, selon la capacité d’accueil des différents lieux. En avril 2023, le Comité européen des droits sociaux (CEDS) tapait du poing sur la table, en estimant que les autorités françaises « n’ont pas adopté de mesures efficaces dans un délai raisonnable en ce qui concerne l’accessibilité des bâtiments et installations, logements et des transports publics ». Gwenn rapporte : « Aujourd’hui, on a encore une majorité de logements qui sont vieux et inaccessibles. Je vois des bâtiments neufs qui viennent d’être construits et qui ne sont même pas en conformité avec l’obligation d’accessibilité ! » Le CLHEE partage souvent les combats d’Élise, qui tient le compte Instagram Handi en colère, et de Nabela. « Toutes les deux vivent dans des logements inaccessibles, en fauteuils roulants. Ça fait des années qu’elles le signalent à la CAF et à la MDPH, sans succès ! » Fin 2023, Nabela a mené une grève de la faim qu’elle a raconté dans cet article du média Politis. Gwenn et Mathilde ont quantité d’exemples à déballer pour expliquer comment la société joue sur la peur de finir handicapé-e, et comment celle-ci est instrumentalisée à des fins politiques. Elles prennent l’exemple de certaines campagnes de sécurité routière, qui ont parfois mis en scène des personnes handicapées à la suite d’un grave accident de la route. « Ces messages transmettent l’idée qu’il vaut mieux être mort, plutôt qu’handicapé. Cette peur de finir en fauteuil roulant ou paralysé est utilisée pour faire peur aux gens. Sauf qu’en faisant ça, on déshumanise complètement les personnes handicapées. »

Dans la rue, des gens viennent nous dire qu’à notre place, ils se suicideraient. La société est tellement validiste, que pour beaucoup de personnes handicapées, ce type de commentaires fait partie de leur norme, de leur quotidien.

Gwenn et Mathilde sont formelles. Pour elles et leurs camarades du CLHEE, avant d’aider les personnes malades et/ou handicapées à mourir, la société a le devoir de les aider à vivre décemment. Un droit qui est loin d’être appliqué.