La France étant la sixième économie mondiale, il est inacceptable que le sans-abrisme soit parvenu à une telle situation de crise et que beaucoup de gens meurent dans la rue.

Leilani Farha, rapporteuse spéciale de l’ONU sur le droit au logement, en 2016.

À l’issue d’une visite de dix jours aux quatre coins de la France en 2016, Leilani Farha, experte à l’ONU, accusait l’Hexagone de violation des droits humains par rapport au logement et pointait du doigt de nombreuses situations d’insalubrité dans les hébergements d’urgence, les expulsions forcées ou encore la saturation de services comme le 115, soit le Samu social. En 2024, plus de 850 personnes sans domicile fixes sont mortes, selon le Collectif Les Morts de la Rue, qui ajoute que la moyenne d’âge pour toutes ces personnes était de 48 ans.

En 2023, l’Oxfam publie un rapport sur le logement qui révèle que les 25% les plus pauvres en France dépensent 32% de leurs revenus dans le logement, contre 14,1% pour le quart des français les plus aisés. Autrement dit, le poids du logement est deux fois plus élevé pour les plus pauvres. Dans ce même rapport, on apprend que les prix de l’immobilier ont augmenté de 125,6% entre 2001 et 2020. Or, dans le même temps, les revenus bruts des ménages n’ont progressé que de 29%. Autrement dit, en 20 ans, les prix des biens immobiliers ont augmenté 4 fois plus vite que les revenus. L’étude affirme : « Le logement représente aussi le premier poste de dépenses pour les familles monoparentales, qui sont à 82 % des femmes, et les personnes seules. Les inégalités liées au logement touchent ainsi davantage les femmes, les étudiant-es et personnes isolées comme les seniors pauvres surreprésenté-es dans la population des locataires. On retrouve ici le caractère cumulatif des inégalités, exacerbées par le poids des dépenses liées au logement. » Concernant les étudiant-es, le rapport de l’Oxfam indique que un-e étudiant-e consacre, en 2023, entre 44% et 60% de son budget dans son logement, soit 2 à 3 fois plus que la moyenne des français-es, et que la France compte 1 logement étudiant pour 16 étudiant-es.

Le capitalisme entraîne l’existence de banlieues et de bidonvilles, de copropriétés et de ghettos. Cela veut dire expulsions et dépôts de garantie, appartements froids, moisis, infestés et loyers élevés. Cela veut dire travail répétitif, ennuyeux, dangereux ; chômage et sans domiciles. (…) C’est la spéculation, la réglementation, la croissance et la stagnation, la crise et la guerre. C’est des propriétaires et des usuriers, des policiers et des politiciens, des bureaucrates et des patrons.

« The Housing Monster – Travail et logement dans la société capitaliste », du collectif américain Prole.info

Manifestation le 25 janvier 2020 à Marseille. Suite à l'effondrement de deux immeubles de la rue d'Aubagne en 2019, qui avait fait 8 morts, d'autres immeubles à proximité avaient été vidés de leurs occupants. © Kateryna Deineka / Shutterstock.com
Manifestation le 25 janvier 2020 à Marseille. Suite à l’effondrement de deux immeubles de la rue d’Aubagne en 2019, qui avait fait 8 morts, d’autres immeubles à proximité avaient été vidés de leurs occupants. © Kateryna Deineka / Shutterstock.com

15 millions de personnes touchées par la crise du logement en France

Entre les expulsions, la hausse du nombre de personnes sans-abris, ou encore les ménages qui renoncent à se chauffer l’hiver pour pouvoir continuer à payer le loyer : la crise du logement revêt une multitude de réalités. Selon les Petits frères des pauvres, en France, cela concerne plus de 15 millions de personnes. En 2024, le nombre de ménages expulsés par la force a connu une hausse de 29%, et a concerné près de 25.000 foyers. Ces données s’expliquent par le durcissement législatif, avec la loi Kasbarian-Bergé votée en 2023, dite la loi « antisquat », et qui a introduit dans le droit français la « procédure simplifiée d’expulsion » en permettant aux propriétaires de saisir directement le préfet pour une expulsion. Même hausse du côté des fournisseurs d’énergie. Selon le bilan 2024 du Médiateur national de l’énergie, le nombre de réductions de puissance ou de coupures de compteur ont augmenté de 24% et représente près de 1,2 millions de personnes. En comparaison, elles étaient 670.000 personnes concernées en 2019. Cinq ans plus tard, ce chiffre a donc quasiment doublé. Le même rapport précise que 85% des foyers interrogés se déclaraient « préoccupés par le montant de leurs factures d’énergie », 75% déclaraient « avoir restreint leur chauffage pour limiter leurs factures » et 30% déclaraient « avoir souffert du froid dans leur logement. » Problème connexe : celui des passoires thermiques. La France en compte 5,2 millions, ce qui représente 17% du parc résidentiel. L’étude de l’Oxfam indique : « Sans surprise, les ménages en plus grandes difficultés, tels que les familles monoparentales (principalement des femmes), les jeunes, les chômeurs ou les personnes en situation de handicap sont plus touchés (par la précarité énergétique, NDLR.) » En 2001, si les dépenses contraintes (soit les dépenses fixes comme les impôts, l’assurance…) représentaient 31% du budget moyen, contre 41% en 2023. 

Bon nombre d’observateur-ices s’accordent à dire que l’aggravation soudaine de la crise du logement en France constitue une « bombe sociale » à retardement.

Extrait de l’étude de l’Oxfam

Accéder au logement quand on est racisé-e…

Nous l’avons évoqué précédemment, les populations les plus touchées, selon le rapport d’Oxfam, sont les femmes (surtout les familles monoparentales), les jeunes (comme les étudiant-es), les seniors isolé-es ou encore les personnes handicapées. Mais à cela s’ajoute les personnes racisées. En 2016, une équipe du CNRS avait réalisé un testing sur 5000 annonces immobilières sur les 50 plus grandes agglomérations françaises. Sans surprise, d’importantes discriminations ont été révélées vis-à-vis de l’origine, pénalisant les candidat-es dont les noms et prénoms signalent une origine maghrébine ou, plus généralement, africaine. Ainsi, à candidature tout à fait semblable en termes d’emploi, d’âge et de nationalité, un « Sébastien Petit » a 1,5 fois plus de chances qu’un « Désiré Sambou » de visiter un même logement. Aussi, selon le Défenseur des droits, en 2023, le taux de personnes ayant trouvé un logement en moins d’un an est de 79,3% pour les personnes perçues comme blanches, 45,8% pour les personnes perçues comme arabes, et de 39,6% pour les personnes perçues comme noires. En plus des propriétaires ouvertement racistes, les facteurs de discrimination dans l’accès au logement sont aussi liés au fait que les personnes racisées disposent souvent de moins bons revenus et/ou d’emploi plus précaires que la population blanche. C’est un cercle vicieux, car le logement et l’emploi vont de pair. Il convient de rappeler qu’il est interdit de refuser la location d’un logement, quel qu’il soit, en raison de l’origine, de la situation familiale, de l’orientation sexuelle ou encore de l’état de santé. La discrimination au logement est une délit qui peut être sanctionné jusqu’à 3 ans de prison et 45.000€ d’amende.

… et/ou une femme…

Aussi, la pauvreté touche plus souvent les femmes, notamment à travers les familles monoparentales, ainsi que les personnes handicapées. En 2023, 6 personnes sur 10 vivant au SMIC étaient des femmes, selon les données du ministère du Travail. Celles-ci occupent la majorité des temps partiels et sont sur-représentées dans les métiers précarisés tels que caissière, femme de ménage ou encore aide à domicile, des professions très exposées aux accidents du travail, sujet pour lequel Lisbeth consacrait cet article. Les femmes perçoivent aussi les moins bonnes retraites, plus précisément, leur retraite est inférieure de 40% à celle des hommes. Selon la Fondation pour le Logement des Défavorisés (anciennement, Fondation Abbé Pierre), les familles monoparentales présentent un risque plus élevé d’habiter dans un logement indigne ou sur-occupé. Or, 81% de ces familles monoparentales ont à leur tête des mères célibataires. Enfin, selon ce même rapport, et contrairement aux idées reçues, c’est en majorité les hommes qui conservent le domicile après une rupture. Dans 43% des cas, c’est eux qui restent dans le logement conjugal après une séparation contre 32% pour les femmes. La garde des enfants peut jouer sur la capacité des femmes à conserver le logement mais uniquement si elles en ont la garde exclusive. En cas de garde alternée, ce sont les hommes qui restent plus souvent dans le logement.

Les violences conjugales influent également fortement sur la perte du logement pour les femmes, l’urgence à fuir le danger jouant en faveur du maintien dans le logement des hommes, qui gèrent ensuite le tempo et peuvent négocier en position de force un bras de fer juridique qui dure parfois de longues années.

Extrait du 28e rapport de la Fondation pour le Logement des Défavorisés (ex-Fondation Abbé Pierre)

Il faut ajouter à tout cela la fragilité accrue des mères face au sans-abrisme. L’étude pointe : « L’accroissement dans la dernière décennie du nombre de femmes avec enfants à la rue vient conforter l’hypothèse d’un affaiblissement de la protection que conférait le statut de mère isolée. Bien qu’il n’existe pas de statistiques nationales, la situation des femmes enceintes ou sortantes de maternité sans solution d’hébergement semble prendre de l’ampleur. » Du côté des propriétaires, les inégalités persistent. L’étude précise aussi que les femmes perdent plus souvent le statut de propriétaire que les hommes après la séparation. La part de femmes propriétaires se réduit ainsi de moitié après une rupture. Enfin, l’étude aborde aussi l’effet cumulatif des discriminations. En 2011, 42 % des femmes immigrées de plus de 55 ans vivaient sans conjoint (contre 18 % des hommes immigrés de plus de 55 ans et 36 % des femmes en général en France de plus de 55 ans.) L’étude précise : « Peu visibles dans l’espace public, ne bénéficiant pas de relais associatifs, quasi absentes des schémas gérontologiques, ces femmes sont pourtant confrontées à des situations sociales complexes. »

Image extraite du film "À bout", sur le quotidien d'une mère célibataire en galère, disponible sur Netflix depuis juin 2025 © Netflix
Image extraite du film « À bout », sur le quotidien d’une mère célibataire en galère, disponible sur Netflix depuis juin 2025 © Netflix

… et/ou handicapé-e

Les personnes en situation de handicap sont concernées par toutes les facettes du mal-logement… en pire.

Extrait du 30e rapport de la Fondation pour le Logement des Défavorisés

Enfin, avec seulement 18% des logements qui seraient considérés comme « accessibles » et 6% qui seraient « accessibles et adaptés », les personnes handicapées ont 14% de chances en moins d’obtenir un logement social. Le 30e rapport de la Fondation pour le Logement des Défavorisés, publié en février 2025, met en avant que les personnes handicapées ont trois fois moins de chance d’être propriétaire que le reste de la population et que 10% des personnes sans-abris sont allocataires de l’Allocation adulte handicapé (AAH). L’étude pointe aussi les nombreuses mises en handicap de cette population, souvent en difficulté dans les logements qu’elles occupent du fait de leur absence d’accessibilité, et rendant ainsi compliqué les gestes du quotidien. Mêmes galères pour sortir de chez soi : 880 000 personnes handicapées vivent à l’étage d’un immeuble qui ne possède pas d’ascenseur, et près de 300 000 personnes handicapées sont concernées par les pannes d’ascenseurs. Des enjeux que nous abordions dans plusieurs articles, tels que le portrait d’Armel Guéguen, ou encore dans notre article consacré à la loi sur l’euthanasie.

Résidences secondaires : la France des volets fermés

Même s’il est relativement bas à Douarnenez, le taux de résidences secondaires connaît une croissance constante, la construction de logements sociaux ralentit, la population se paupérise, le nombre de logements vacants et insalubres augmente et les projets haut de gamme de promoteurs immobiliers se développent. Résultat : le mal-logement s’aggrave.

Extrait de « Habiter une ville touristique. Une vue sur mer pour les précaires », du collectif Droit à la ville Douarnenez

En 2021, la France comptait 3,7 millions de résidences secondaires et de logements occasionnels (hors Mayotte) selon les données du gouvernement, ce qui représente près de 10% du parc locatif ordinaire. Dans 40% des cas, ces résidences se situent sur le littoral, notamment méditerranéen. L’Observatoire des territoires offre ici un aperçu de la situation sur la carte de la France hexagonale et des départements d’outre-mer. Si le taux de résidences secondaires se concentrent sur des régions bien précises comme la Côte d’Azur ou le Pays basque, d’autres territoires sont de plus en plus impactés. C’est le cas, par exemple, de la Bretagne, qui assiste à une véritable ruée vers l’Ouest française depuis plusieurs années. Et le phénomène doit continuer de s’amplifier dans les années à venir avec le dérèglement climatique. Les résidences secondaires ont un véritable impact sur la vie locale des territoires concernés, comme sur les services publics. Ainsi, le livre « Habiter une ville touristique. Une vue sur mer pour les précaires », du collectif Droit à la ville Douarnenez, explique comment les usages touristiques d’un territoire conduisent à des mesures visant à déplacer les populations marginalisées. Cela fait partie de la « cartepostalisation » du territoire en question. « La représentation de la station touristique ne peut tolérer la présence ostentatoire de la précarité et de la pauvreté. Le lieu de vacances doit rompre avec cette expérience métropolitaine des déplacements quotidiens marquée par la proximité de la pauvreté et de la misère. » Ainsi, transformer un territoire en carte postale pour touristes se fait par toute une série de politiques. D’urbanisation d’abord : on promeut un patrimoine choisit qui exclut bâtiments industriels et logements sociaux. Politique répressive ensuite, en repoussant à la périphérie des villes les populations précaires. Le tout suivi de campagnes de communication visant à entretenir l’imaginaire et les représentations « carte postale » et clichées du territoire.

Le Pays basque français compte 330.000 habitant-es, avec 3000 nouvelles arrivées chaque année en tout (en comptant les départs.) Sur les 212 857 logements, 74% sont des résidences principales (dont 11% de logements sociaux), 20% des résidences secondaires, et 5% des logements vacants. Ainsi, le Pays basque compte 2 fois plus de résidences secondaires que de logements sociaux ! Les communes ayant les taux les plus élevés de résidences secondaires sont Guéthary (49%), Ciboure ( 46%), Saint-Jean-de-Luz (42,5%) et Biarritz (41%). Avec 27 communes en zone tendue, la tension sur les parcs privés et sociaux est l’une des plus fortes en France. Selon les données d’ALDA, en 2024, il y a eu plus de 15.000 demandes de logements sociaux pour environ 2000 attributions. Entretien avec cette association.

Le modèle du community organizing consiste à créer de l’organisation collective en dehors du monde du travail, dans les quartiers populaires, un peu à la manière d’un syndicat de rue. C’est particulièrement important dans le contexte de la montée de l’extrême droite.

En 2020, à Bayonne, un groupe de militant-es pour le climat décide de créer l’association ALDA. Son but : assurer la défense des habitant-es des quartiers populaires, redonner du pouvoir aux gens et faire entendre leurs revendications par l’organisation collective. Une sorte de « syndicat de rue », inspiré par le community organizing états-unien, comme nous l’explique Xebax Christy, porte-parole de l’association. C’est en menant des enquêtes de rue et des entretiens qualitatifs que la question du logement leur apparaît comme incontournable. « On a rencontré 500 personnes en tout. On s’attendait à ce que des problématiques comme l’accès aux soins ou aux transports ressortent le plus, mais c’est l’accès au logement qui était sur toutes les lèvres », confirme Xebax Christy. Les membres d’ALDA commencent alors à diffuser un journal (du même nom) sur Bayonne, à raison de trois numéros par an, afin de se faire connaître de la population. « On les distribuait directement sur les paillassons, afin d’éviter qu’il parte à la poubelle avec la publicité, souvent omniprésente dans les boîtes aux lettres. » En juin 2021, iels publient un travail spécifique sur la crise du logement en Pays basque. « Avec cette étude, on s’est aperçu qu’on était en train de perdre des milliers de logements à la location, car transformés en Airbnb permanents. » Dans la foulée de cette étude, ALDA lance sa première campagne anti-Airbnb, et participe à l’appel d’une manifestation qui réunit près de 8.000 personnes dans les rues de Bayonne pour dénoncer la crise du logement. « Entre 2016 et 2020, le nombre de logements proposés toute l’année en tourisme avait plus que doublé sur Bayonne, en passant de 10.000 à près de 23.000, selon nos estimations. » Très vite, la première bataille menée par Alda porte ses fruits : la communauté d’agglomération de Bayonne vote un règlement d’autorisation de changement d’usage qui doit garantir un équilibre entre le développement des meublés de tourisme et la nécessité de ne pas aggraver la pénurie de logements. « Ce règlement rend quasi impossible la transformation d’un local d’habitation en logement Airbnb », se félicite Xebax Christy. Ce règlement est entré en vigueur au 1er mars 2023. Depuis cette date, le changement d’usage d’un local d’habitation en meublé de tourisme sur la région de Bayonne est soumis au principe de compensation, soit l’obligation de reconstituer la « perte » d’un logement par la création d’un autre logement, d’une surface au moins équivalente, et situé dans la même commune.

Les membres d'ALDA lors d'une action à Biarritz en juin 2023 pour dénoncer une location illégale de meublé de tourisme. © ALDA
Les membres d’ALDA lors d’une action à Biarritz en juin 2023 pour dénoncer une location illégale de meublé de tourisme. © ALDA

De l’accompagnement au rapport de force : une organisation rôdée

Aujourd’hui, ALDA compte 1344 membres en tout, dont 305 sont bénévoles. Les actions de l’association comportent plusieurs commissions : 

  • Une commission « Bataille du quotidien », qui consiste en un pôle de soutien au droit, dans laquelle sont traitées toutes les demandes de personnes qui les contactent. 

« Cette commission est composée de deux salarié-es de l’asso et d’une cinquantaine de bénévoles », précise Xebax Christy. « En 2024, on a reçu 775 nouvelles sollicitations pour des situations individuelles. En tout, nous avons plus de 800 situations qui sont actuellement en cours de suivi. » Pour mener à bien ce travail, les bénévoles concernés se réunissent une fois par semaine et analysent collectivement les demandes. « On dresse des fiches de renseignement, les informations nécessaires, les différents documents qui nous permettent d’appréhender la situation… » Après cette analyse collective, le suivi individualisé du dossier est assuré par un-e bénévole. 

Toutes les situations locatives auxquelles nous sommes confrontés dans nos accompagnements sont nos yeux et nos oreilles pour capter la réalité du terrain et les nouvelles tendances.

  • Une commission « logement privé », via laquelle les membres d’ALDA se sont rendus compte de la hausse des baux frauduleux sur le Pays basque.

« Par exemple, on a été confronté à de nombreux cas de baux de moins d’un an, alors que le ou la locataire n’était pas étudiant-e, et que c’est donc illégal. » À la suite de plusieurs situations similaires, Alda travaille sur une campagne spécifique d’interpellation des pouvoirs publics sur le sujet des baux frauduleux. Cette campagne porte ses fruits : un comité territorial de lutte contre les baux frauduleux est créé par l’État sur le Pays basque en 2022. « Ce comité est présidé par le préfet et le procureur et réunit différents services de l’État. On ne veut pas seulement être dans du curatif, mais aussi s’attaquer à la racine des problèmes et mener des batailles politiques. »

  • Une commission « Logement social », dans laquelle les bénévoles défendent les locataires HLM.

Pendant l’automne 2024, Alda a mené une consultation auprès des locataires HLM et en a publié une synthèse intitulée « Pour vivre dignement : rénover et adapter nos logements. » Cette consultation a mis en lumière les problèmes rencontrés par la majorité des habitant-es de HLM en Pays basque, tels que l’humidité et les moisissures, le manque d’isolation, les ascenseurs souvent en panne ou encore les pièces pas adaptées aux handicaps… Pour permettre aux habitant-es des quartiers populaires de s’organiser, Alda propose aussi de l’accompagnement à la création de dynamiques collectives, comme la formation de collectifs d’habitant-es. « On travaille le plus possible avec les personnes, et non pas à leur place. Notre approche est différente mais complémentaire de celle d’un bailleur social. Pour certaines démarches administratives, on peut aider les gens, mais s’il faut rentrer le rapport de force, alors on active notre base de militant-es. »

Les membres d'ALDA, lors d'une action à Ciboure en juillet 2024 pour empêcher le délogement illégal d'une locataire.
Les membres d’ALDA, lors d’une action à Ciboure en juillet 2024 pour empêcher le délogement illégal d’une locataire. © ALDA

En plus de son accompagnement administratif et de ses campagnes d’interpellation des pouvoirs publics, Alda a aussi recours à l’action directe non-violente. « Il nous arrive de faire des occupations d’agences immobilières pour récupérer des trop-perçus de loyers par exemple, ou des dépôts de garantie qui n’ont pas été rendus… » Les actions d’Alda sont souvent suivies d’effet. « Les personnes qu’on accompagne ont des profils larges. Que ce soit des personnes en extrême précarité, ou d’autres qui disposent de ressources mais qui rencontrent des difficultés avec leur bailleur. À Alda, on s’inscrit dans la défense des milieux populaires, donc on accompagne aussi bien des personnes sans ressources que des personnes au RSA, ou encore des personnes salariées mais avec des ressources faibles ou moyennes. Ces personnes ont tous les âges, ce sont des jeunes travailleurs ou des retraités, des familles monoparentales, des personnes seules… »

D’autres combats à venir

Ici, la difficulté de se loger touche une grande partie de la population. De nos jours, même un emploi avec un salaire correct n’est plus une garantie pour trouver un logement.

Le 19 novembre 2024, la loi pour le renforcement des outils de régulation des meublés de tourisme a été promulguée à l’Assemblée nationale. Le projet de loi fut porté par la députée finistérienne Annaïg Le Meur et le député des Pyrénées-Atlantiques Inaki Echaniz. Le but : encadrer les meublés de tourisme de type Airbnb pour favoriser le logement permanent, et lutter ainsi contre la spéculation immobilière, qui pousse de nombreuses personnes à dormir dans leur voiture ou encore à devoir vivre à des kilomètres du lieu de travail. « Cette loi est directement inspirée de la situation au Pays basque », explique Xebax Christy. « On a été auditionnés par la commission des affaires économiques de l’Assemblée qui travaillait sur ce texte. Et on a beaucoup plaidé pour la mesure la plus importante de cette loi, celle qui prévoit une servitude de résidence principale. » Cet outil fait en sorte que toute nouvelle construction doit être dédiée à de la résidence principale, et le maire dispose désormais d’un pouvoir de sanction en cas de non-application. Cette mesure ne s’applique que dans les zones urbaines ou à urbaniser des communes dont le taux de résidences secondaires est supérieur à 20 % du nombre total d’immeubles d’habitation, ou si la commune est concernée par la taxe annuelle sur les logements vacants. En plus de ces quotas d’autorisations de meublés de tourisme, les maires disposent désormais, avec cette loi, de pouvoirs supplémentaires, tels que des amendes ou encore la possibilité de limiter à 90 jours par an la durée maximum pendant laquelle les résidences principales peuvent être louées à des touristes (au lieu de 120 jours aujourd’hui). « Il y a d’autres dispositifs intéressants dans cette loi, comme l’interdiction de transformer des passoires thermiques en logements touristiques » poursuit le porte-parole d’Alda. « Certains propriétaires avaient recours à cette option, plutôt que de faire des travaux de rénovation. »

Pour l’instant, on ne voit pas encore les effets de cette loi, car il faut que les élus locaux s’en emparent dans leurs communes ou au niveau de l’agglo. À Alda, on fait un travail de plaidoyer pour que ça soit mis en pratique sur notre territoire. Mais d’autres territoires en France sont concernés par cette loi !

Alda regrette que la loi n’ait cependant pas permis d’aller aussi loin que souhaité. L’association souhaite que les propriétaires soient encouragés, fiscalement, à louer leurs logements à l’année, et à privilégier les baux de trois ans. « La loi a permis une correction. En effet, les meublés de tourisme avaient un avantage fiscal plus important à l’année, soit 70%, contre 50% pour de la location meublée, et 30% pour du non-meublé. Nous, on veut l’inverse. On plaide pour que l’abattement fiscal soit plus avantageux en logement nu, soit non-meublé. » Pour finir, Xebax Christie explique que les membres d’Alda avaient commencé à réfléchir à une garantie universelle de loyer. « Souvent, la plupart des propriétaires sont des investisseurs, mais pas tous. Certains propriétaires vivent dans leur logement, ou s’ils le louent, ils ont parfois des ressources modestes et comptent sur le loyer qu’ils perçoivent tous les mois. Or, s’ils ne sont pas la majorité, ce sont souvent ces propriétaires les plus modestes qui craignent le plus l’impayé, et donc préfèrent ne pas louer, ou louer sur des petits baux. Mais en réalité, les impayés de loyers sont très rares. Nous, on défend une approche pragmatique, et non pas manichéenne, dans le rapport propriétaires/locataires. »

Rappel que les 10 et 11 octobre prochains, auront lieu la deuxième édition d’Auzolan, soit les Journées du droit au logement à Bayonne, pour lesquelles 40 associations seront présentes, dont ALDA bien sûr.