En 2020, selon l’UNICEF :

  • au moins 200 millions de filles et de femmes ont été victimes de mutilations sexuelles
  • 30 millions de filles risquent de l’être au cours des dix prochaines années
  • 5% de ces femmes mutilées vivent en Europe, dont environ 53 000 femmes résidant en France.

En 2004, le système de santé français fut le premier en Europe à prendre en charge la chirurgie réparatrice qui est remboursée par la sécurité sociale. Pour le moment, seule la Belgique lui a emboîté le pas en 2009. La méthode de réparation de ces mutilations à été mise au point par le chirurgien français Pierre Foldes. Pour rappel, l’excision recouvre toutes les interventions incluant l’ablation partielle ou totale des organes sexuels féminins. (L’association Excision, parlons-en ! propose une définition plus complète ici).

Mon opération est comme ma deuxième date de naissance.

À 38 ans, Kakpotia Marie-Claire Moraldo est la présidente et fondatrice de l’association bordelaise Les Orchidées rouges. Après avoir grandit en Côte d’Ivoire, elle arrive en France il y a treize ans. « J’ai fui la guerre en 2005. J’ai d’abord passé deux ans au Sénégal puis je suis arrivée à Marseille. » Elle déménage ensuite à Bordeaux, ville pour laquelle elle a un coup de cœur. À l’âge de neuf ans, Kakpotia subie une excision. Elle raconte avoir tenté de mettre cet événement traumatisant dans un coin de sa tête pendant de nombreuses années. « Je n’étais pas dans le déni, mais je l’avais mis de côté. » En 2016, pendant des vacances au Sénégal, elle fait une rencontre sentimentale. « Le mec est tombé fou amoureux de moi. Mais je me suis dit que s’il découvrait mon excision ça casserait le mythe et qu’il ne voudrait plus être avec moi. » Elle garde des relations amicales avec lui, mais entreprend alors les démarches pour une reconstruction. Le 7 décembre 2016, elle est opérée. C’est durant ses démarches qu’elle se rend compte qu’il n’y a pas d’association spécialisée dans la région bordelaise. C’est ainsi qu’en 2017 elle fonde Les Orchidées rouges. Labellisée ONU Femmes France (l’entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes), l’association propose une prise en charge holistique aux victimes qui cumulent en moyenne 4 types de violences comme : l’excision, le mariage forcé, des violences conjugales, du harcèlement ou encore des violences sexuelles.

Une mission de sensibilisation dans le collège ivoirien Galileo en février 2020. Kakpotia est au centre, en rouge. © Les Orchidées rouges
Une mission de sensibilisation dans le collège ivoirien Galileo en février 2020. Kakpotia est au centre, en rouge. © Les Orchidées rouges

L’empouvoirement en ligne de mire

On leur dit qu’elles ne sont pas des femmes excisées, mais des femmes à part entière qui ont subi des violences.

La prise en charge de ces femmes est réalisée à travers de nombreux ateliers, comme la sophrologie ou le yoga. La libération de la parole passe aussi par de la lecture théâtrale et des ateliers d’écriture. « Je suis admirative de ces femmes et de leur chemins de résilience. Des femmes qui mettent en scène leurs histoires devant un public inconnu alors même qu’elles ne pouvaient pas en parler à leur arrivée à l’association. Il faut beaucoup de courage pour évoluer ainsi. », confie Kakpotia Marie-Claire Moraldo. L’empouvoirement est la traduction francophone du mot empowerment, et désigne la capacité à s’autonomiser et être en pouvoir sur sa vie. À l’heure actuelle, 60 femmes sont prises en charge par Les Orchidées rouges. Elles sont près de 180 à avoir été accompagnées depuis la création de l’association. « Beaucoup d’entre elles sont des femmes migrantes. On les aide à obtenir le statut de réfugiée mais à tout moment du processus elles peuvent être envoyées dans une autre ville, donc on les perd de vue. » Les Orchidées rouges travaille aussi dans l’aide à la reconversion pour les exciseuses. L’association, qui dispose de trois antennes en Côte d’Ivoire, effectue de la sensibilisation dans les écoles ivoiriennes. À cause du confinement, les associations et organisations non-gouvernementales (ONG) craignent une augmentation des excisions. « Quand les acteurs de lutte et de sensibilisation sont sur place, ils ont un effet dissuasif sur les gens. Mais pendant le confinement, toutes les écoles et les administrations étaient fermées. » Des signes d’inquiétudes sont d’ailleurs partagés dans plusieurs pays, comme en Somalie, au Mali ou encore au Kenya. D’anciennes exciseuses pourraient aussi reprendre leurs activités pour faire face aux difficultés financières conséquentes à la crise.

On a pas les chiffres mais on sait qu’au Soudan par exemple, des femmes faisaient du porte-à-porte pour proposer des excisions à des parents. Tout ça se fait en clandestinité.

Mais le confinement a aussi eu quelques points positifs. « Cette situation nous a permis de digitaliser des groupes de paroles, y compris dans des villes françaises et des pays étrangers où il y a une absence notable de structures. Ça donne des éléments de travail très intéressants pour la suite. » Parmi les prochaines étapes : une unité de soins régionale de prise en charge pluridisciplinaire des femmes et mineures victimes d’excision et d’autres types de violences. « Cette unité sera composée de soignant-es, de travailleur-ses sociaux, de juristes… C’est beaucoup de travail et nous sommes constamment en recherche de fonds. » Son ouverture est prévue pour le 7 septembre 2020 à Bordeaux.