Il s’agit de se battre contre l’essentialisation du handicap.

Julie Guillemant est une photographe basée à Angers. Il y a environ un an, elle a décidé de se lancer dans un projet qui lui tient à cœur : photographier des personnes handicapées sans pour autant montrer leur(s) handicap(s), mais au contraire mettre en scène leur personnalités, les passions et les créativités. La photographe, par ailleurs membre du collectif Les Dévalideuses, explique : « Quand certaines personnes voient mes photos, elles s’interrogent : « c’est quoi son handicap ? » Je réponds que je ne sais pas, et c’est vrai la plupart du temps. Surtout quand il s’agit de handicaps invisibles. Je veux montrer la diversité des personnes avant tout. » En mars 2019, une polémique éclate à l’occasion de la sortie d’un livre intitulé J’ai offert la mort à mon fils et dans lequel l’autrice Anne Ratier raconte comment et pourquoi elle a assassiné en 1987 son enfant polyhandicapé, alors âgé de 3 ans. Invitée sur plusieurs plateaux de télévision, beaucoup de médias ont relayé sa parole sans en critiquer sa gravité. Et une grande partie de l’opinion publique avait alors salué le « courage » de cette mère. Une tribune intitulée « Nous, handi(e)s, nous voulons vivre », avait été rédigée sur Médiapart sur le sujet. Pour Julie Guillemant, son projet est parti de là : « À ce moment-là, j’ai beaucoup discuté avec la communauté handi sur internet. » Elle lance alors un message sur le réseau social Twitter. Elle propose aux personnes concernées par un ou des handicap(s) de venir les photographier. « Je pensais que ça ferait un bide total. Et en fait ça a marché tout de suite. »

Une femme handicapée enlaçant un arbre.
Elizabeth, pour Les Exposé-e-s. © Julie Guillemant

Un mois plus tard, elle part à Toulouse photographier deux modèles. « J’ai eu la trouille de ma vie sur le retour. Je n’avais jamais pris personne en photo. Je me suis dit « mais pourquoi j’ai fait ça ! » » Au terme du projet, Julie Guillemant souhaite sortir un livre. « Ça touchera plus de monde qu’une exposition, pour les personnes qui ne peuvent pas s’y déplacer par exemple. » Mais le projet ne fait que débuter. « Je veux photographier plus de diversité dans les couleurs de peaux, dans les genres et les subtilités de genre. »

Passionnée de photo depuis son plus jeune âge

Née en 1979, Julie Guillemant a une agénésie au bras. Elle explique ne pas avoir eu la sensation de vivre avec un handicap dans son enfance : « Je suis née comme ça, mes parents étaient cool et ils m’ont pas fait chier avec ça. » Elle obtient son baccalauréat à Angers et suit des études de l’art à Nantes. Son père possède un laboratoire photo dans leur maison. Elle reçoit son premier argentique vers l’âge de 18 ans. « J’étais pas très douée, je me suis vite découragée. » En fait, l’appareil est trop lourd pour être porté à une seule main. « Mais je me suis tout de suite dit que j’étais nulle. J’avais le syndrome de l’imposteur, comme beaucoup de meufs… » Mais la photo l’a rattrapée petit à petit. Il y a quelques années, l’une de ses amies qui a vécu l’attentat du Bataclan faisait des insomnies et commence alors une série de photographies intitulée « Pour ceux qui ne dorment pas. » « Au même moment je faisais un burn-out. On se soutenait beaucoup toutes les deux et elle m’a dit qu’elle tenait son appareil à une main très facilement. » Elle achète un appareil numérique « sur un coup de tête » et commence alors une série d’auto-portraits, avant de lancer Les Exposé-e-s. Un projet qu’elle compte mener « aussi longtemps que ça me portera. »

Kimi, pour le projet photo Les Exposé-es, de Julie Guillemant.
Kimi, pour Les Exposé-e-s. © Julie Guillemant