Mise à jour : Malheureusement, La Constellation n’a pas résisté aux effets de la crise sanitaire, et le lieu a dû fermer ses portes environ un an après notre interview. Lisbeth tient à féliciter Laureline Levy et toutes les personnes ayant contribué à ce très beau projet. Il en inspirera peut-être d’autres…
En 2018, la comédienne et humoriste Hannah Gadsby – par ailleurs lesbienne et autiste – aborde le sujet de l’introversion et de la neuroatypie* dans les communautés queer* dans son spectacle Nanette. Elle interroge la culture de la fête et des bars en posant la question : « Où les personnes queer introverties sont-elles supposées aller ? La pression exercée sur ma communauté pour que nos identités et fiertés soient exprimées à travers la métaphore de la fête est… intense ! » La même année, le militant new-yorkais Josh Hersh a créé le collectif Queeret (contraction de queer et introverts). À travers leur concept intitulé « soirées qalm » (là encore, contraction de queer et calm), le but est d’offrir des espaces et temps d’échanges adaptés aux personnes de la communauté LGBTIA* qui sont introverties. Ces espaces sont sans lumières ni sons agressifs et sans alcool.
Avoir l’envie c’est bien. Mais pour porter un projet aussi ambitieux il faut beaucoup de privilèges, surtout économiques.
Ce projet, c’est aussi celui de Laureline Levy. À 34 ans, cette parisienne est en création de La Constellation, un tiers-lieu culturel et LGBTIA en plein cœur de la capitale. Auparavant, elle a travaillé dix ans dans la publicité, notamment pour Chanel où elle occupait un poste important. « J’étais une femme, queer, grosse, et j’occupais un poste où je pouvais me permettre de dire non sur un contenu sexiste, homophobe… » Mais son travail est usant, elle fait deux burn-out. « Un jour je me suis dit que quitte à m’abîmer autant que je le fasse pour moi ! » Elle raconte s’être découverte lesbienne à l’âge de 30 ans. « Je me suis aperçue qu’il n’y avait pas de lieux qui me satisfaisaient pour rencontrer d’autres queers, des endroits posés. » À Paris, le bar La Mutinerie est l’un des endroits le plus connu et fréquenté des communautés queer. Elle l’affirme : « La Mut’, c’est génial. Mais beaucoup de personnes ont aussi envie d’un endroit plus posé, plus lumineux et plus calme. » Pour tester son projet, elle s’est d’abord inspirée des soirées qalm du collectif Queeret, dont nous vous parlions plus haut. « En gros, ce sont des boîtes à outils pour organiser des soirées entre queer introvertis. Il y a des cartes de conversations par exemple. » Celles-ci sont distribuées en début de soirée, afin de permettre à chacun-e de sortir de sa coquille et de pouvoir échanger plus facilement avec des inconnu-es. « Les conversations se créent ensuite d’elles-mêmes, et on est totalement libres d’échanger avec qui l’on veut bien sûr ! » Laureline précise que les soirées qalm sont une version réduite de ce qu’elle souhaite créer.
Une entreprise avec une intelligence du futur
La Constellation offrira aussi un accueil pour divers événements culturels et artistiques tels que des expositions, des clubs de lecture ou encore des scènes ouvertes. La visée du projet est celle d’une entreprise « avec une intelligence du futur. » La carte proposera « des tartines et des boissons tout au long de la journée à des tarifs avantageux. », et les plats coûteront eux 13 euros. « La population queer est précaire, c’est important de le prendre en compte. », explique Laureline. Malgré tout, le projet est largement autofinancé.
C’est important que les gens comprennent que s’ils ne consomment pas, je vais devoir fermer boutique.
La Constellation sera également un établissement sans alcool. « Au-delà de 30 ans, pas mal de gens ont arrêté de boire, surtout dans les communautés queer. Et puis j’ai aussi remarqué que dans les choix sans alcool il n’y a jamais rien d’intéressant à commander mis à part du coca ou de la grenadine. » Là encore, les cocktails seront faits-maison. Chaque produit est issu de circuits-courts et la carte sera à moitié végétarienne et à moitié vegan. Laureline a aussi fait le choix de ne pas travailler avec des firmes comme Coca-Cola ou Orangina. « On cherche à avoir le bilan carbone le plus bas possible. » Les plantes ne seront pas importées de l’étranger et le café sera remplacé par de la chicorée et de l’orge. « Le café vient de loin et on ne le paye pas du tout au prix que l’on devrait ! » Enfin, la grande majorité des déchets sont pensés pour être compostables et les produits d’entretien non-toxiques.
L’ouverture est prévue en juillet 2020.