Les enjeux
Il est indispensable de comprendre que ce qui est mauvais, c’est que l’aide alimentaire qui devrait répondre à une situation exceptionnelle d’urgence soit devenue une façon de s’alimenter. (…) Recourir à l’aide alimentaire pour se nourrir n’a rien d’anodin, les personnes, en miroir des produits qui leur sont proposés, sont déclassées, elles perdent leur place au sein de la société.
Extrait de « La France qui a faim. Le don à l’épreuve des violences alimentaires », de Bénédicte Bonzi.
L’insécurité alimentaire, soit le fait de ne pas avoir accès à des aliments sains et nutritifs de manière régulière et en quantité suffisante, s’aggrave de plus en plus au fil des années, dans le monde, mais aussi en France. Selon l’Observatoire des Vulnérabilités Alimentaires de la Fondation Nestlé France, le nombre de Français-es en insécurité alimentaire a triplé depuis 2015, notamment à cause de l’inflation. Près de 40% d’entre elleux ont réduit leur budget alimentaire pour faire face au coût de l’énergie. Toujours selon cette étude, les femmes (notamment en famille monoparentale) et les moins de 35 ans sont les catégories les plus touchées. Ces personnes consomment plus de féculent, de conserves ou de plats tout prêts et utilisent des stratégies comme manger seul-es, y compris quand elles vivent en famille, notamment pour masquer le manque de quantité suffisante pour tout-es. Ces personnes sautent également deux fois plus de repas que les autres, notamment les petits-déjeuners et les déjeuners. Enfin, si 10 millions de personnes en France bénéficient de l’aide alimentaire, l’étude pointe que 80% des personnes en insécurité alimentaire n’y ont pourtant pas recours, notamment par sentiment de honte. Ces inégalités d’accès à une alimentation de bonne qualité et en quantité suffisante ont des effets connus sur la santé des populations concernées. Maladies cardio-vasculaires, cancers, diabète, ou même ostéoporose… Selon cet article du Haut Conseil de la Santé Publique, (qui date de 2004, preuve que le problème est connu et avéré depuis un certain temps) : « Bien que les maladies cardio-vasculaires concernent plutôt le groupe des personnes âgées, elles participent à la mortalité prématurée et aux inégalités sociales de santé observées très précocement. (…) La probabilité de décéder entre 35 et 65 ans d’une maladie cardio-vasculaire étant deux fois plus élevée dans le groupe des ouvriers par rapport aux cadres. » La prévalence du diabète est, quant à elle, près de deux fois plus élevée dans les départements d’Outre-mer que la moyenne nationale. Elle est aussi plus élevée dans certaines régions de l’Hexagone, en particulier dans le Nord et le Nord-est.
Les dindons de la farce : l’éleveur-se et le/la consommateur-ice
Les consommateur-ices les plus précarisé-es ne sont pas les seul-es à pâtir de l’inflation et du système agro-industriel et capitaliste dans son ensemble : les producteur-ices en font aussi les frais. Dans une société où l’industrialisation du modèle agricole est poussée à son paroxysme, nombreux-ses sont les agriculteur-ices à s’endetter, poussé-es à investir et s’agrandir toujours plus, au détriment de leur santé, de leur vie de famille ou encore de l’environnement. Cette étude de Santé publique France, conduite en 2017 sur des données de 2007 à 2011, indique qu’un agriculteur se suicide tous les deux jours en France (300 personnes en deux ans). Celle de la Mutualité sociale agricole, réalisée en 2019 sur des données 2015, fait état de deux suicides par jour (605 personnes).
Un jour, un cadre de la société Doux m’a rendu visite à la ferme. Il m’a dit, en gros : soit vous investissez, soit on vous vire. Le mec ne m’a même pas demandé comment j’allais ! Il est reparti comme il est venu. J’ai refusé de réinvestir. Trois jours après, je recevais un recommandé. C’était fini. (…) Au final, on n’a pas notre mot à dire. J’ai la chance de ne plus avoir de dettes. Mais quand tu as investi il y a deux ou trois ans… Je connais un éleveur qui a 1,3 million d’euros sur le dos. Pour lui, c’est marche ou crève. J’ai des collègues plus jeunes, endettés, qui ne prennent que trois ou quatre jours de vacances par an.
Extrait de « Silence dans les champs », de Nicolas Legendre
Nombreux-ses sont les exploitations qui sont ainsi aspirées à la suite d’une impossibilité à rembourser des dettes et que l’agriculteur-ice est contraint-e d’abandonner tout ou une partie de sa ferme à la coopérative. L’agriculture est aussi une profession de plus en plus désertée. Selon les chiffres du ministère de l’Agriculture, l’Hexagone ne compterait que 390 000 fermes pour nourrir plus de 67 millions de Français-es, contre près de 500 000 exploitations, il y a moins de dix ans. Quand on ajoute à tout cela la concurrence internationale, on récolte un marché en perte de vitesse. Au total, la France importe près de 63 milliards d’euros de denrées alimentaires pour couvrir ses besoins, soit 2,2 fois plus qu’en 2000. À l’heure actuelle, les agriculteur-ices sont sur-représenté-es dans les syndicats majoritaires qui portent l’agro-industrie comme seul modèle tels que la FNSEA, les Jeunes agriculteurs (JA), ou encore la Coordination rurale, syndicat d’extrême droite qui a largement progressé aux dernières élections aux chambres d’agriculture. Dans leur livre « Reprendre la terre aux machines : manifeste pour une autonomie paysanne et alimentaire », les membres de la coopérative l’Atelier paysan écrivent : « La FNSEA et les JA n’ont jamais défendu les intérêts de tous les agriculteurs. Ils en ont organisé, avec le concours des gouvernements successifs, l’élimination progressive tout en accompagnant de manière cynique les inévitables explosions de colère. »
Explorer d’autres modèles économiques
En France, un collectif national formé en 2019 propose d’étendre le modèle de sécurité sociale existant à l’alimentation. Le modèle porté par ce collectif est le suivant :
- des personnes cotisent selon leurs moyens dans des caisses de sécurité sociale de l’alimentation, puis reçoivent la somme de 150 € chaque mois pour l’achat de produits conventionnés ;
- les caisses sont gérées localement par les personnes cotisantes qui décident en assemblée des produits à conventionner.
Cependant, plusieurs critiques ont été adressées à cette initiative, comme ici, là ou encore par le collectif Caracol que nous avons interviewé pour « l’initiative » de cet article. Ce collectif, basé dans le Lot, en région Occitanie, a fait l’acquisition d’un terrain il y a quelques années pour mettre en place des micro-fermes (exploitation de faible surface avec des cultures très diversifiées et de la commercialisation en circuit court) en maraîchage bio-intensif (cultivation sans pesticides d’un très grand nombre de plantes sur une petite surface.) Leur modèle est simple : si 100 personnes cotisent 50€ par mois chacune dans la micro-ferme, cela assure un panier végétal par semaine et par personne, ainsi qu’une réserve financière pour l’extension du projet. Entretien.
L’initiative
La privation alimentaire est une violence systémique, c’est-à-dire que l’on prive intentionnellement certaines personnes d’une alimentation adaptée en quantité et en qualité. L’agro-industrie joue un rôle important dans l’exercice de cette violence, il importe donc de défaire cette industrie par une action forte et rapide.
Ils sont trois à se relayer la parole durant notre interview. D’abord Thibaut, le plus jeune. À 26 ans, il raconte être entré à Caracol via un service civique, avant de rejoindre le conseil d’administration par la suite. Jean-Baptiste, bientôt la trentaine, fait également partie du conseil d’administration. Après un bac pro dans l’électro-technique, il a travaillé dans de nombreux domaines tels que la cuisine et l’artisanat. Johan enfin, qui fait partie des initiateurs du projet Caracol et des propriétaires du terrain sur lequel a été créé la micro-ferme. Ce presque quarantenaire est docteur en psychologie sociale expérimentale. « J’ai rencontré Johan, Désirée et Guillaume, deux autres membres fondateurs, vers 2010 via nos activités militantes« , relate Jean-Baptiste. « Très vite, nous nous sommes retrouvés autour du constat que la privation alimentaire est une violence systémique contre les personnes les plus pauvres. Cette violence augmente au fur et à mesure que le temps passe et s’est beaucoup développée ces dernières années. » Les militants expliquent s’être appuyés sur la recherche scientifique pour concevoir le projet Caracol. « On a voulu comprendre pourquoi les aléas climatiques ont un impact sur la disponibilité alimentaire. Mais on s’est rendus compte que ce sont davantage les décisions institutionnelles qui ont cet impact. Il n’y a pas de lien direct entre la situation écologique et la disponibilité alimentaire. Ce sont les décisions, d’aider ou pas les populations par exemple, qui entrent en ligne de compte. »
Le réchauffement climatique et la perte de biodiversité sont souvent cités comme des causes de la faim dans le monde, mais le problème de la suffisance alimentaire est davantage lié à des décisions institutionnelles. Ce sont elles qui déterminent l’impact de ces facteurs sur les populations humaines.
Les militants expliquent s’être inspirés du programme zapatiste dans le but de rendre inutile le modèle actuel pour un autre modèle agroalimentaire, plus viable. « Notre objectif est de rendre inutile le système agro-industriel en développant un système agro-alimentaire autonome dans lequel les problèmes de privation alimentaire et de dégradation environnementale pourraient être résolus, et où les valeurs d’égalité et de participation sociale et politique seraient solidement incarnées. » Aujourd’hui, Caracol est partenaire du plan alimentaire territorial (PAT) du Grand Cahors, en Occitanie, et a obtenu l’ouverture de parcelles agricoles dédiées à la formation et qui seront gérées par l’association. « Notre souhait est que les personnes participent à l’extension de notre initiative au terme de leur formation. » L’association Caracol a également été sollicitée par une commune du Grand Figeac afin de développer leur projet de SSA sur leur territoire. « Dans ce cadre, nous avons développé un projet de SSA pour les vallées du Lot et du Célé, qui sera déposé pour une importante demande de subvention. Ce projet repose sur un rapprochement des PAT du Grand Cahors et du Grand Figeac pour la création d’un premier réseau local de microfermes et de caisses de cotisation. » Johan et ses camarades sont catégoriques : ils n’acceptent aucune compromission institutionnelle avec leur projet. « Les institutions dépendent de nous, et pas l’inverse. On ne veut pas renier nos valeurs. C’est génial si ça fonctionne avec les pouvoirs publics, mais on fera sans eux si ça ne marche pas ! Notre cadre de fonctionnement n’est pas négociable. On nous a déjà reproché notre rigidité, mais pour nous, c’est une vertue. On n’accepte aucune forme de vente par exemple, il est hors de question pour nous que nos productions deviennent une marchandise ! » Johan raconte que, pour être en mesure de proposer un modèle qui soit le plus solide possible, il a fallu penser à toutes les contraintes potentielles et à la façon de remédier à chacun d’elles. Une étape indispensable pour être pris-es au sérieux par les pouvoirs publics et la population.
Notre modèle de SSA a suscité des réactions de défiance de la part des pouvoirs publics et de la population locale au début. Caracol était perçu comme une initiative d’ultragauche, et nous comme des méchants zadistes venus perturber la tranquillité locale. On a dû batailler pour désamorcer ces stéréotypes, par des dialogues constants avec les gens et les pouvoirs publics. Ce qui nous a aidé, c’est notre formation, notre discours solide et structuré.
Création d’un modèle alternatif de sécurité sociale de l’alimentation
Thibaut explique qu’à Caracol, les militant-es ont d’abord formulé une critique du modèle proposé par le collectif national formé en 2019, à partir de plusieurs points. « Ils délaissent totalement le volet production et ne s’intéressent pas à comment on produit l’alimentation. Aussi, la somme de 150€ par mois pour l’achat de produits conventionnés nous semble complètement arbitraire et puis ça ne sort pas l’alimentation du rapport marchand. » À cela, ils ajoutent d’autres critiques, comme le fait que ce modèle de SSA n’assure pas un modèle stable et décent aux producteur-ices. « Avec ce modèle, le revenu paysan demeure subordonné à l’écoulement de cette marchandise, il demeure donc incertain, variable et précaire. » Depuis cette critique, les militant-es de Caracol décident d’organiser autrement la sécurité sociale de l’alimentation. En partant de la question, on ne peut plus incontournable : « comment donner suffisamment à manger à tout le monde ? », iels développent un modèle alternatif à partir de données agronomiques, économiques et sanitaires. « Pour nous, il est indispensable que la SSA organise et finance directement la production agricole et couvre la totalité du besoin alimentaire des personnes », affirme Johan. Rapidement, iels calculent que si 100 personnes cotisent chacune 50€ par mois pour financer la production, les fermes sont financées à 130% de leurs coûts de production, tout en couvrant 100% des besoins alimentaires des personnes cotisantes. Ainsi, chacune d’elles récupère un panier végétal pour la semaine, et les fermes voient leurs revenus et leurs frais de fonctionnement assurés, avec un apport supplémentaire de 30%, qui sert de réserve financière pour l’extension de la SSA (création de nouvelles micro-fermes et de nouvelles caisses.) Johan précise exclure les produits animaux de leur modèle. Aussi, ils promeuvent une production agricole qui ne passe pas par la mécanisation et ont le souhait de construire des fermes alternatives associatives et autogérées, en contrepied du modèle actuel, soit des entreprises avec des impératifs de rendement et de chiffre d’affaires. « Sur ces points, nous avons des désaccords politiques avec la Confédération paysanne », admet Jean-Baptiste. « On se se retrouve pas sur la propriété collective des moyens de production. Quand nous, nous voulons une reprise collective des moyens de production, eux semblent ne pas avoir d’autres horizons que la Scop ou le Gaec. Le modèle indépassable pour eux, reste l’entreprise et la propriété privée des moyens de production. »
À court-terme, satisfaire le besoin alimentaire végétal pour 200 personnes
L’industrialisation de l’agriculture se caractérise par l’exploitation de surfaces de plus en plus importantes, une perte de diversité des cultures, la mécanisation, l’utilisation de pesticides, une dépendance aux marchés globaux, une rupture de la production des besoins locaux.
Pour mener à bien leur projet de micro-ferme bio-intensive, les membres de Caracol ont acheté un terrain d’environ 6 hectares en 2020 dans le Parc Naturel Régional des Causses du Quercy, dans le Massif central. Après avoir créé une première parcelle à l’hiver 2021/2022, une deuxième parcelle est aménagée pendant l’hiver 2022/2023. Jean-Baptiste explique : « Les microfermes présentent une faible surface, moins de 1,5 hectare, sont très diversifiées et pratiquent une commercialisation en circuits courts, autrement dit, une vente directe sans intermédiaire. Elles répondent à un souci de préservation de l’environnement, de stimulation des dynamiques locales et de création d’emploi au niveau local. » Pour les militant-es de Caracol, le modèle de micro-ferme en maraîchage bio-intensif devient vite une évidence, comme l’expose Johan : « On s’est beaucoup renseignés. Un de nos membres a fait un Brevet Professionnel Responsable d’Entreprise Agricole et nous a donné le contenu pédagogique de ses cours. En parallèle, j’ai fait une revue de littérature sur les modèles de production biologique. » Johan et ses camarades s’aperçoivent alors que les micro-fermes produisent beaucoup plus au mètre carré que les fermes conventionnelles. « Une fois ce constat fait, il a fallu s’orienter dans la diversité des micro-fermes, laquelle choisir ? » Pour cela, ils s’appuient notamment sur les travaux de Kévin Morel, ingénieur et docteur en agronomie et de Christian Carnavalet, agronome. « Toutes ces recherches ont guidé notre choix, pour nous, il n’y avait pas une diversité de solutions, mais une seule ! » Ainsi, à Caracol, deux personnes travaillent une parcelle de 1000 m2 (soit 0,1 ha), sans tracteur, ni pesticides, et sans faire travailler d’animaux non-humains. Les rangs de légumes sont rapprochés les uns des autres, et les cultures très diversifiées. « On cultive 80 à 100 espèces à l’année ! », affirme Jean-Baptiste. « À titre de comparaison, les fermes maraîchères plus conventionnelles ont des cultures dites diversifiées à partir de 40 à 60 espèces. » Légumes, légumineuses, racines, tubercules… Pour produire autant, un gros travail en amont est réalisé. « Avant la mise en culture de la parcelle, on incorpore 10 tonnes de fumier de cheval au sol. Puis, après la mise en culture, on assure un apport constant d’une grande quantité de matières organiques. » Le fumier utilisé provient d’une pension équestre située à une quarantaine de kilomètres de la microferme, la solution « la moins pire », selon eux. Le résultat : une production de légumes pour 100 personnes, à raison de 4 kilos 6 par semaine et par personne, pour un régime végétalien. Ainsi, pour nourrir 1.000 personnes, la micro-ferme de Caracol aurait besoin d’étendre 10 parcelles sur 1 hectare. À ce travail, vient s’ajouter celui de la construction des locaux de la microferme : local de transformation des légumes, le local à outils, celui qui sert au stockage des légumes… Les militants expliquent avoir développé un modèle de construction en paille porteuse, qui a l’avantage d’être sobre, écologique et économique.
Les deux parcelles forment aujourd’hui un véritable agroécosystème diversifié. Elles sont prêtes pour une production à haut rendement de légumes, légumineuses, racines et tubercules. Nous devons maintenant ajouter une production bio-intensive de fruits et céréales pour couvrir 100 % du besoin alimentaire. Cette production nous permettra de fabriquer du pain naturellement riche en vitamine B12, un apport essentiel dans le cadre d’une alimentation végétale.
La vitamine B12 est essentielle pour la formation des globules rouges ou encore la protection du système nerveux. Il s’agit d’une vitamine que le corps n’est pas capable de produire, et qui doit donc être apportée par l’alimentation, notamment la viande. Beaucoup de personnes végétariennes et vegan se supplémentent autrement, par la prise de comprimés par exemple. « La recherche récente montre que certains produits végétaux fermentés sont très riches en vitamine B12 », explique Johan, qui s’appuie entre autres sur cette étude. « C’est le cas de l’injera, une galette fermentée faite à partir de teff, une petite céréale, consommée quotidiennement par une majorité de personnes en Éthiopie. Après récolte, le teff est battu sur le sol pour séparer les grains de la paille, des bactéries présentent dans le sol connues pour synthétiser la vitamine B12 se retrouvent alors sur les grains. Si nous ajoutons les bactéries nous-mêmes lors de la préparation des végétaux fermentés, il est possible d’obtenir des aliments végétaux riches en vitamine B12, notamment du pain au levain. Ainsi nous ajouterons directement les bactéries au levain pour produire un pain naturellement riche en vitamine B12 couvrant le besoin des personnes cotisantes. » Toutefois, ce constat est loin de faire l’unanimité parmi les militant-es vegan. Parmi les arguments avancés : les conditions variables de fermentation peuvent entraîner des teneurs variables en B12, et donc ne pas assurer une source constante et fiable de cette vitamine. À noter : comme pour les autres vitamines B, il n’y a pas de risques à ingérer trop de B12, car celle-ci est alors éliminée naturellement par l’organisme. Vous pouvez obtenir plus de renseignements sur ce site.
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À long-terme, développer et étendre le système Caracol
On a pas la science infuse, donc on prend beaucoup de temps pour faire nos revues de littérature scientifique, confronter les données ensemble, à plusieurs cerveaux. On fait en sorte de rester très modestes, c’est une modestie de néo-ruraux aussi. On débarque, donc on commence par se former et apprendre. Au début, on s’est retrouvés seuls à 5, sur un territoire qu’on ne connaissait pas, et il a fallu tout faire… Mais on y croyait, et on y est allés à notre rythme, sans se mettre de pression temporelle.
Sur le long-terme, Caracol a pour volonté d’étendre ce système autogéré de SSA au niveau national, sous la forme d’une fédération de microfermes bio-intensives et de caisses de cotisation. « Ça prendra la forme d’une fédération aidée par une charte des valeurs commune à toutes les microfermes« , précise Jean-Baptiste. « Dans notre modèle de SSA, pour chaque parcelle de maraîchage bio-intensif, 100 personnes cotisent 50€ par mois, soit 5 000€. Ce montant couvre 130 % du coût de production, ce qui permet de constituer une réserve financière. Avec 4 parcelles, la réserve financière est suffisante pour créer 1 nouvelle microferme bio-intensive chaque année. » Bien sûr, il faut aussi trouver les parcelles et les personnes pour les cultiver. « L’agro-industrie s’accapare les terres, mais cet accaparement ne touche pas les basses montagnes, par exemple. Ce sont des zones considérées comme étant à faible rendement agricole, et qui sont moins mécanisables car vallonnées. Ce sont des zones qui correspondent très bien à nos besoins, car elles sont préservées. » Quant à l’installation des personnes dans le maraîchage, de nombreux freins subsistent, comme le patriarcat, le racisme et les LGBTIphobies, des systèmes de domination encore très présents dans le milieu agricole. Autres freins notables à l’installation de personnes en maraîchage : le montant de l’investissement financier, le revenu incertain ou encore les mauvaises conditions de travail. « Ce sont des problématiques qui sont fréquentes dans les fermes conventionnelles, notamment le fait de travailler seul et d’être en mono-activité. À Caracol, on travaille à deux sur chaque parcelle, et en collectif avec toutes les autres personnes et on est en pluri-activité, on tourne beaucoup, on ne fait jamais les mêmes choses. » Ils ajoutent que l’investissement financier est entièrement pris en charge par la SSA, avec un revenu garanti par le système des cotisations. « Les microfermes sont gérées collectivement, de manière égalitaire et autogestionnaire. Cette gestion collective permet une rotation sur les tâches dans une mission de production agroécologique et de justice sociale. » À cela, ils affirment que ce système permettrait de rémunérer les personnes qui travaillent sur les parcelles à l’équivalent horaire du Smic. « Une grande partie des frais fixes sont pris en charge par le modèle qu’on développe. On envisage la création de logements pro sur place, la nécessité c’est d’avoir un reste à vivre en dehors du logement et des frais liés à l’alimentation. » Les membres de Caracol précisent vouloir travailler avec des centres sociaux, afin de satisfaire le besoin végétal des populations les plus précaires, notamment dans les quartiers populaires. Pour les aider dans ce projet très ambitieux, les militant-es de Caracol ont récemment mené une campagne de financement participatif qui s’est terminée à plus de 100 % de son objectif. Retrouvez toutes leurs actualités sur leur site, dans la rubrique ci-dessous.