Les parentalités sont un enjeu politique et social majeur dans les courants féministes. Les débats autour de la procréation médicalement assistée (PMA) ces dernières années en France ont fait remonter à la surface beaucoup de tabous et de clichés, notamment concernant les populations LGBTIA*. En parallèle, des problématiques comme la coparentalité, la difficulté d’avoir un enfant seul-e ou la transparentalité (être parent trans*) ont été peu (ou mal) abordées. Et les témoignages de personnes concernées par ces parcours se sont fait rares. La crise du covid-19 et les mesures de confinement qui ont suivies ont également permis de mettre en lumière les limites et dangers du modèle dominant de la famille nucléaire. L’espace privé fut mis en scène comme un lieu où chacun-e peut y être à l’abri, alors même qu’il s’y reproduit des schémas de dominations. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la violence domestique représente « le cas de violation des droits humains qui est le plus répandu mais le moins signalé. » C’est tout le propos de la militante et autrice américaine Sophie Lewis dans cette tribune traduite en français en avril 2020 ou bien encore dans ce texte du Comité de libération et d’autonomie queer (CLAQ), qui invite  à penser plus loin le déconfinement, en « sortant de la famille ». Pour toutes ces raisons, le festival breton Very Bad Mother est ambitieux et nécessaire. La programmation (presque inchangée malgré le report) est à consulter ici. Dans cette série de reportages, voici quelques-uns des enjeux auxquels nous tentons de donner de la visibilité :

  • l’handiparentalité, avec la militante féministe anti-validiste, philosophe et psychologue clinicienne Charlotte Puiseux.
  • la transparentalité, avec Claire Lemaire, bédéiste et autrice du blog Maman trans.
  • la contraception dite masculine (les personnes qui produisent des spermatozoïdes), avec le collectif Thomas Boulou. 
  • comment le féminisme peut-il révolutionner les maternités, avec Morgane Merteuil, militante et ancienne secrétaire générale du Strass, le syndicat français du travail sexuel.
  • les collectifs de mères et sœurs qui s’organisent contre les violences policières et juridiques, avec l’interview d’Awa Gueye.
Illustration © Rulio Art – Affiche du festival Very Bad Mother

On est nombreuses à ne pas avoir politisé notre intime sur les questions de maternité et à les vivre chacune dans notre coin.

Pour Lou, l’une des organisateur-ices de Very Bad Mother, le festival s’articule autour de trois leitmotivs. Le premier, se décomplexer ! Le second, réfléchir collectivement à l’éducation des enfants. « Les personnes childfree (sans enfants par choix, ndlr) peuvent se concevoir comme des alliées ! » La garderie solidaire La Bulle sera présente pour l’occasion. « On a tous déjà entendu ce proverbe nigérian qui dit qu’il faut un village pour élever un enfant. Je pense qu’on a laissé de côté certains enjeux soulevés dans les années 1970 sur ces questions-là. », affirme la militante bretonne. Enfin, le festival est conçu comme une réponse politique à la Manif pour tous (association LGBTIAphobe opposée aux mariages et aux filiations gay et lesbien). À 39 ans, Lou est mère de deux enfants. « Je les ai eu super jeune. Pour mon premier j’avais 20 ans. » Déjà militante à l’époque, « mes enfants ont grandi dans ces milieux. On occupait la fac contre la loi sur l’autonomie des universités avec eux. » Elle explique avoir toujours été jugée sur sa façon d’élever ses enfants. Si la plupart de ces jugements proviennent de personnes aux valeurs différentes des siennes, « ça ne m’a jamais touchée car en général ça venait de gens en-dehors de mon entourage et de mon univers », elle y est un jour confrontée au sein d’un réseau féministe. « Un jour, je me suis faite traitée de mauvaise mère par l’une des membres d’un collectif féministe. Et là je me suis vraiment rendue compte que les jugements sur la bonne maternité sont partout. » L’envie de créer un festival féministe sur les parentalités lui est vite venu à l’esprit. « Je me suis réveillée un matin en disant que le prochain festival que je fais sera sur les maternités ! »

La norme qui définit ce qu’est une bonne mère est tellement restreinte que, de toute façon, c’est quasi impossible de ne pas être perçue comme une mauvaise mère à un moment ou un autre.

Lors du festival Apostazik (2019) à Concarneau. © Lola Melezour

Le festival était initialement prévu en avril 2020. Pendant le confinement, le groupe Facebook annexe Very Bad Virus a été créé pour partager des coups de gueule, des recommandations culturelles ou encore des conseils sur la répartition de la charge mentale à domicile. « Le groupe a explosé dès les premiers jours ! On sait qu’on est dans le vrai quand on voit l’afflux de témoignages qui n’en finit pas ! » À l’issue du confinement, le groupe comptait près de 3000 personnes. Un nombre qui souligne aussi la volonté des organisateur-ices d’ouvrir la programmation à tout le monde. « C’est pas réservé aux gens qui ont fait des études de genre ! », précise Lou en riant. « Ce qu’on cherche, c’est une ambiance populaire et festive. Il y aura de la musique, de la danse, du rire. »

Et puis l’intérêt de l’organiser en Bretagne c’est bien pour proposer un féminisme décentralisé de Paris !

Le festival est reprogrammé entre le 12 et le 17 mai 2021 (sur deux jours, mais les dates précises sont encore à confirmer), à Concarneau dans le sud Finistère. « Ça n’a pas été facile de prendre cette décision, je bosse dessus depuis un an et demi pour ma part. Mais on a co-construit la programmation avec tout-e-s les intervenant-e-s. On est tous au taquet. Même si le festival est reporté à 2027, il aura lieu quoi qu’il arrive ! »